« We are the Champions » : la finale en terrain parisien anglophone

Compte rendu Etats-Unis / Pays Bas 7 juillet 2019

Pour ce dernier match de la compétition, nous avons décidé de nous rendre en couple dans un bar. Direction celui où je m’étais rendue pour France-Nigéria, dans le quartier parisien des Grands Boulevards, où on a la certitude qu’il sera diffusé. A la sortie du métro, je repère déjà deux femmes américaines aux maillots floqués Lloyd et Rapinoe et un couple aux tenues rouges de la « Team USA ».

Nous sommes finalement contraints de faire demi-tour devant le bar : une marée de supporters malgaches a investi le trottoir devant, dans l’attente de pouvoir entrer afin de soutenir leur équipe qui joue son huitième de finale de la CAN contre la République démocratique du Congo. Les deux matchs se télescopent puisque le coup d’envoi de celui-ci est prévu pour 18h, soit une heure après celui d’Etats-Unis/Pays-Bas. Nous nous dirigeons alors vers un pub irlandais proche : en passant devant à la sortie du métro, j’avais repéré les télés allumées et une terrasse qui pouvait nous accueillir. Nous sommes installés sur un comptoir haut, à la frontière entre l’intérieur du pub et sa terrasse, en face d’une télé branchée sur la BBC, le son étant trop faible pour qu’on entende distinctement les commentaires. Juste à droite de l’écran se trouve le comptoir où les serveuses récupèrent les commandes, ce qui nous permet d’assister à leurs déplacements incessants tout au long du match. Elles n’ont pas le temps de prêter réellement attention à l’écran. A l’inverse, les barmans préparant les commandes peuvent suivre le match grâce à un écran intérieur face à eux.

A notre gauche, je retrouve les deux américaines aperçues un peu plus tôt, qui se révèlent être une mère (avec le maillot Lloyd) et une fille (maillot Rapinoe), et qui sont attablées avec le père de famille, en chemise à carreaux. A peine sommes-nous assis que le match débute ; nous commandons deux bières anglo-saxonnes : une IPA écossaise et une rousse irlandaise. Je jette un coup d’œil autour de moi. La terrasse est quasiment pleine ; la plupart des personnes qui y sont attablées sont tournées vers les télés murales de l’intérieur. Ce sont essentiellement des couples et des petits groupes mixtes, d’au maximum sept personnes. La langue dominante est l’anglais. Derrière nous se trouvent, à une table, trois femmes : un couple accompagné de la mère de l’une d’entre elles, probablement hispano-américaines. La mère, profondément plongée dans un livre, ne suit pas le match.

Du côté de la famille américaine, la mère applaudit le carton jaune adressé à la néerlandaise Sherida Spitse. Plus tard, un arrêt de la gardienne néerlandaise est salué d’un « ouuuuh » et de quelques applaudissements. Elle accompagne les belles actions du match de « yes » rythmés et de frappes dans ses mains. A la 27ème minute, un corner offre une grosse occasion d’ouvrir le score pour les américaines : les « ooooh » de déceptions sont plus forts et vifs, les têtes prises dans les mains, le ralenti accompagné de « oh, no, no, no ». Les « Come on ! » (« Allez ! ») permettent de pousser l’équipe et sur une nouvelle action que beaucoup voient aller au bout, les « yes ! » laissent rapidement la place aux « no ! ». L’agitation augmente, les mêmes scènes d’encouragement/déception se répètent, les discussions se font plus animées. Des passants s’arrêtent sur le trottoir pour regarder le match à travers la terrasse.

We are the

Quelques français présents ont pris le parti des Pays-Bas : sur une occasion batave juste avant la mi-temps, c’est à leur tour de ponctuer l’action de « ouhhhh » puis, lorsque la balle revient dans les pieds des néerlandaises, d’encourager : « c’est pas fini, c’est pas fini », « allez ! ». A la reprise, une arcade sourcilière en sang du côté états-uniens rend inquiète la mère de famille: « Oh my god. Who. What happened ? » (« Oh mon dieu. Ohh ! Qu’est-ce qui s’est passé ? »)

L’arbitrage vidéo est sollicité pour une faute de Stefanie van der Gragt sur Alex Morgan. Les spectateurs américains encouragent une décision de l’arbitre en leur faveur, en tapant dans leurs mains ou sur les tables. La fille de la famille et un autre américain profitent de cet arrêt de jeu pour se rendre aux toilettes au sous-sol, la mère s’éloigne quelques secondes passer un appel. Une serveuse s’arrête face à l’écran et discute avec le père qui s’inquiète de ne pas voir sa fille remonter à temps pour assister au tir du penalty obtenu par Megan Rapinoe. De fait, elle le rate, mais lorsqu’elle remonte c’est avec un grand sourire et en tapant dans les mains de ses parents au passage. Des cris et des applaudissements fusent dans l’assistance, des bras sont levés. Du côté des français pro-néerlandais, c’est la contrariété qui s’exprime : « oh non ». Ensuite, l’entrée dans la surface de réparation américaine par leur équipe favorite est saluée de « allez ! », puis les américains reprennent le dessus dans cette bataille sonore en applaudissant le dégagement de leur équipe.

Au deuxième but américain, c’est une explosion de joie dans le pub. Une serveuse s’est arrêtée, plateau chargé en équilibre sur une main, pour regarder l’écran, un barman fait sonner la cloche du bar. Il n’y a à partir de là plus trop de bruit en faveur des Pays-Bas, tandis que la mère américaine applaudit tous les arrêts. A partir de la 80ème minute pourtant, les français reprennent leurs encouragements pour les néerlandaises : « allez, allez ! Allez, tire ! ». Carli Lloyd apparaît à l’écran car elle s’apprête à entrer sur le terrain. La mère américaine, portant son nom sur le dos, ne peut qu’apprécier : « Oh yeah, Carli Lloyd ! », et l’applaudit.

C’est la fin du temps réglementaire. La fille américaine tape silencieusement dans ses mains au rythme du clapping des supporters de son équipe que l’on voit à l’écran. Une serveuse, avec son accent bien français, demande à la famille : « you are happy ? » (« vous êtes heureux ? ») La mère lui fait répéter puis elle répond : « I’m happy yes. So far. So far yes. I’m happy so far » (« Je suis heureuse, oui. Pour l’instant. Pour l’instant oui. Je suis heureuse pour l’instant »), comme si elle n’était pas encore certaine de l’issue du match. Les joueuses américaines remplaçantes et titulaires sorties pendant le match sont descendues au bord du terrain et se prennent dans les bras. La mère commente : « so cute ! » (« si mignon ! »). A la fin du match, des applaudissements longs et nourris résonnent dans le pub. Le son des télés est immédiatement coupé pour faire place à de la musique de circonstance : « We are the champions » que les américains autour de nous chantent timidement, avant qu’une play-list reprenne ses droits. Un grand groupe d’américains qui était installé à l’intérieur du bar, hors de mon champ de vision, quitte le bar. Un groupe de quatre continue de fixer attentivement l’écran qui diffuse une interview de Megan Rapinoe, pourtant sans le son.

Nous quittons le pub, passons devant le bar où nous n’avions pas pu nous rendre : celui-ci et un autre en face sont bondés de supporters malgaches et congolais, l’ambiance est bien plus bruyante que là où nous étions.

Mathilde Julla-Marcy, Paris

 

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